L’Edito du Maire – Septembre 2020.
La forêt souffre, au risque de dommages irréparables !
Une visite de notre forêt communale a été organisée, le 12 septembre, à l’initiative du Syndicat Intercommunal de Gestion Forestière des Grands Bugnoz (SIGF) et de Maxime Daclin, technicien ONF en charge du suivi du domaine forestier des Grands Bugnoz.
Les représentants des 4 communes adhérentes au SIGF étaient invités à cette visite. Malheureusement, seuls quelques représentants des communes d’Emagny, Moncley et Pin étaient présents.
Guidés par Maxime DACLIN, ce petit groupe a parcouru plusieurs parcelles situées entre la route de Noironte, le chemin de la Grange du Bas et la ligne TGV, le parcours retenu permettant d’illustrer les quatre grandes étapes de l’évolution de la forêt, résultant du mode de gestion (futaie régulière) préconisé depuis plusieurs décennies par l’ONF et s’inscrivant dans un choix de gestion qui doit conduire au renouvellement de la forêt sur un cycle d’un siècle environ, principalement sur la base de deux essences, dont le hêtre en grande difficulté aujourd’hui.
Des constats inquiétants ont été faits tout au long du parcours en observant combien les arbres souffrent du manque d’eau, devenu chronique depuis près de dix ans par un manque de précipitations hivernales, auquel s’ajoute une sévère sécheresse réitérée depuis trois ans.
Que constate-t-on ?
Les hêtres et les chênes qui constituent les deux essences dominantes de notre forêt, sont attaqués et de très nombreux spécimens présentent déjà des signes graves de dépérissement ! Ils ne sont pas les seuls : épicéas scolytés, frênes attaqués par un champignon…
Si les semis naturels laissent entrevoir un potentiel renouvellement, les conditions climatiques actuelles, dont nul ne peut supposer le caractère temporaire, auront de grandes difficultés à prospérer, notamment dans les parcelles mises à nu de façon brutale.
Les coupes généreuses qui ont été faites au cours des 15 dernières années ont multiplié les lisières offrant une surexposition au soleil et aux vents violents, et chaque bordure de forêt est aujourd’hui marquée par une bande de terre sur laquelle les arbres les plus exposés sont les premières victimes des conditions climatiques. Le couvert végétal se réduisant, c’est une mécanique incontrôlable qui menace la survie de notre forêt à un rythme qui s’accélère.
Et dans ce contexte, les plans de coupes se succèdent, ajoutant aux arbres condamnés et secs, une coupe importante d’arbres encore en parfaite santé. C’est en effet 2700 m3 de bois qui seront exploités en 2021 sur le territoire géré par le SIGF, alors que ce même territoire n’est pas en mesure de se renouveler naturellement à plus de 1600 m3 par an, soit l’aggravation d’un déficit de plus de 50% pour notre forêt !
Alors que faire ?
Le schéma d’aménagement, approuvé et appliqué depuis bientôt 20 ans, sous l’autorité de Monsieur le préfet, arrivera à son terme en 2025. On nous dit que de nouvelles dispositions devront être prises pour le renouveau et la sauvegarde de la forêt dans le cadre du prochain plan d’aménagement qui s’échelonnera de 2026 à 2045. On nous dit également qu’il faudra alors réfléchir à une diversification des essences plus propices à offrir une capacité de résistance adaptée aux évolutions climatiques.
Ces dispositions sont celles préconisées par les responsables nationaux de l’ONF, avec raison. Mais de quels choix d’essences parlent-ils ? Des arbres « méditerranéens » comme on l’entend souvent ? Qu’en est-il de certains de nos arbres, présents naturellement dans les forêts locales et jamais favorisés dans les documents d’aménagement ? La question reste posée.
Nous sommes alors en droit de nous demander pourquoi attendre encore 5 longues années pour nous mettre autour d’une table :
- – pour réfléchir ensemble à l’adoption de mesures conservatoires, suffisamment larges pour épargner le plus grand nombre de spécimens d’arbres afin d’assurer la continuité de la couverture végétale de la forêt ;
- – pour se poser la question de l’opportunité d’ouvrir de nouveaux espaces fragilisés par des « coupes blanches » qui accélèrent et accentuent les risques pour la forêt ;
- – pour envisager un éventuel changement de traitement de la gestion sylvicole.
Cette démarche permettrait de ne pas agir dans la précipitation, lorsque le document d’aménagement arrivera à son terme dans 5 ans, mais au contraire de s’être donné le temps de la réflexion.
La forêt ne peut être réduite à un objet d’exploitation et d’approvisionnement du court terme. Nos anciens nous avaient enseigné plus de modestie et encore plus de prévoyance.
La forêt est d’abord un patrimoine que nous devons assurer pour les générations futures.
La forêt est aussi un espace partagé entre de multiples usages : sylviculture, chasse, promenade, loisirs…
La forêt est enfin un espace social que nous devons nous réapproprier sans en laisser le seul usage aux coupeurs de bois, professionnels qui exportent nos plus beaux spécimens, affouagistes dont certains, sans vergogne, font plus commerce des lots attribués qu’un usage modéré dédiés à leur foyer.
Nous devons faire de notre forêt un espace témoin de la qualité de vie que nous voulons défendre pour nous tous aujourd’hui et pour les générations futures, pour qui la vie rurale sera peut-être redevenue une vertu et une solution au mal vivre.
Nous demandons sans délai que les engagements pris dans le document d’aménagement en 2006, réaménagé à la marge en 2019, soient respectés (voir ci-dessus les prévisions de prélèvements pour l’année 2020-2021) pour cette année, mais également pour les années qui restent avant sa révision en 2025.
Nous demandons une concertation sous les auspices de la Préfecture, sans attendre 2025 pour penser la forêt de demain sur notre territoire et adapter l’exploitation qui en est faite.
Les conditions climatiques d’aujourd’hui ne sont plus celles qui prévalaient en 2006. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas prendre le risque de « voir la forêt souffrir et regarder ailleurs ».
Martial DARDELIN.
Maire d’Emagny.
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